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Photo du rédacteur Jean Fils-Aimé, Ph.D.

Angela Merkel ou le dernier échantillon d’une race de politiciens en voie de disparition


Comment consacrer une édition aux femmes d’influence et comment réfléchir à la politique internationale contemporaine sans laisser une large part, sinon la part léonine à Angela Dorothea Kasner, dite Angela Merkel?

Cette femme de 62 ans fait solidement partie de l’échiquier politique mondial depuis plus de dix ans. Et pendant plus de 10 ans, le magazine Forbes l’a élue la femme la plus puissante du monde et le magazine Time l’a désignée la personnalité de l’année en 2015.


Très peu d’entre nous savent cependant que cette physicienne de profession, qui en est à son troisième mandat (depuis novembre 2005), en sa qualité de chef de gouvernement d’Allemagne, avec le titre officiel de Chancelière Fédérale d’Allemagne (une première en Allemagne), se destinait à tout, sauf à la politique. Fille de pasteur, elle se préparait à enseigner les langues et la physique. À cet égard, elle a soutenu avec brio (magna cum laude) sa thèse de doctorat en physique en 1986, sur l’«Étude du mécanisme des réactions de décomposition avec rupture de la liaison simple et le calcul de leurs constantes de vitesse sur la base de la chimie quantique et des méthodes statistiques ». Chercheuse au sein de l’Académie des Sciences, elle a refusé toutes les offres à saveur politique, jusqu’à ce que Helmut Kohl la nomme Ministre Fédérale des Femmes et de la Jeunesse en 1990. Ce fut le début d’une carrière politique fulgurante qui devait la conduire jusqu’aux cimes des affaires de l’État, en sa qualité de chef de gouvernement, et cela depuis plus de 11 ans. Quand on se rappelle que la politique demeure aujourd’hui encore (2017!) un métier pratiqué en majorité par des hommes, on se pâme d’admiration devant l’habileté de Madame Merkel dans ce mâle milieu, et on a envie d’applaudir ses exploits et de lui demander ses secrets.

Sous ce rapport, ses biographes sont unanimes sur quelques-uns des traits de caractère de la Chancelière allemande. Nous en retenons 5 par souci de synthèse:


1-Une femme dotée d’une intelligence hors du commun

Dans les couloirs du Bundestag (Parlement allemand), on raconte à la blague qu’Angela Merkel demeure une scientifique même dans sa manière de faire la politique. En effet, la rigueur de son argumentaire force souvent l’admiration de ses adversaires politiques les plus féroces.

2- Une femme de compromis

Puisqu’elle s’impose dans le paysage politique depuis de si longues années, on oublie que dans les faits, Madame Merkel ne dirige pas un gouvernement majoritaire à proprement parler, mais s’est retrouvée à la tête de trois gouvernements de coalition pendant 11 années d’affilée. Quand on sait que la politique est un rapport de force, on comprend que pour réaliser un tel exploit, il faut savoir faire preuve de compromis et de tact.

3-Une femme de conviction

Même si elle est reconnue pour sa très grande capacité d’écoute et pour son aptitude à ne pas laisser transparaitre ses opinions personnelles (une leçon amèrement apprise dans sa jeunesse), Angela Merkel sait défendre ses convictions, quitte à se retrouver seule (la proverbiale solitude du chef) dans certaines prises de position. C’était notamment le cas durant toute la saga de la crise financière grecque. C’est aussi une femme pondérée. Ce trait est particulièrement observable dans la crise diplomatique turque.

4- Une gestionnaire hors-pair

Même si certains problèmes sociaux importants persistent en Allemagne, notamment, l’écart entre riches et pauvres s’est élargi pendant les 10 dernières années, il n’en demeure pas moins vrai que l’Allemagne accuse l’un des taux de chômage les plus faibles d’Europe. En outre, ce n’est un secret pour personne, l’Union Européenne, dès lors menacée par le Brexit, repose jusqu’à maintenant sur l’axe franco-allemand. Toutefois, avec la possible élection de Marine Le Pen à l’Élysée, tous les regards sont tournés vers Berlin. Cela est d’autant plus vrai que l’on sait que la reprise économique française est fragile et que François Hollande n’est plus— selon la formule consacrée en sciences politiques— qu’un canard boiteux, alors tout le poids politique et managérial de l’architecture européenne et de ce qui reste d’un certain Occident modéré repose sur les épaules d’Angela Merkel. À cet égard, elle rayonne de tous ses feux. Ses biographes (non autorisés!) sont unanimes à saluer son style de gestion pragmatique, caractérisé par un difficile équilibre de prudence, de fermeté, d’humanisme et d’ouverture.


5- Une grande humaniste

La crise des migrants syriens (2015-2016) a mis en exergue un trait fondamental d’Angela Merkel, un trait rarissime chez les politiciens, marqués de plus en plus à droite: son humanisme. Elle a ouvert, malgré le très peu d’appuis de sa population, des ses collègues politiciens et de ses homologues étrangers, les frontières de son pays pour accueillir près d’un million de réfugiés syriens, avec tous les risques que cela comporte en matière de sécurité pour l’Allemagne. Elle s’est tenue debout malgré la baisse de son taux de popularité. Cela est d’autant plus honorable qu’elle devra faire face à son électorat dans quelques mois. Eu égard à tout cela, on comprend mieux que Barack Obama lui ait décerné la médaille présidentielle de la liberté.


Une question demeure cependant: par son humanisme, sa modération, son ouverture à l’immigration, Angela Merkel serait-elle le denier échantillon d’une race de politiciens en voie de disparition? Mon coeur saignant d’observateur de la politique internationale tend à croire que oui. Hélas!


Crédit photo : Facebook de la page officiel de Mme Merkel









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