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Photo du rédacteur Jean Fils-Aimé, Ph.D.

ARRESTATION DE GUY OUELLETTE: ET SI ON SE CALMAIT LE POMPON ?


La nouvelle de l’arrestation par l’UPAC (Unité Permanente AntiCorruption) de Guy Ouellette, survenue le mercredi 25 octobre dernier, a lézardé le ciel serein de la classe politique québécoise et ébranlé les colonnes de l’Assemblée nationale du Québec (notre Parlement provincial).


On se pose des questions fondamentales (dans un État de démocratie et de Droit) sur les raisons véritables qui ont amené des policiers à procéder à l’arrestation d’un Parlementaire en exercice, lui-même ancien enquêteur de police pendant plus de 30 ans et actuellement Président de la Commission Parlementaire sur les Institutions.


La nouvelle est tombée comme une chape de plomb. Elle a suffoqué les uns et effrayé les autres dans la classe parlementaire. Et spontanément, tous les Députés de tous partis confondus (ce qui est très curieux et insolite, je vous dirai pourquoi plus bas) sont sortis comme dans une très mauvaise pièce de théâtre pour déclamer l’honnêteté et la probité du Député à qui on venait de passer les menottes.


Ils ont répété leurs déclamations ad nauseam pendant 6 jours. On a atteint le summum en la matière, lorsque le Président de l’Assemblée nationale du Québec lui-même, dans un rare discours, applaudi des deux côtés de la Chambre, est allé jusqu’à sommer ( glissement grave, je vous dirai pourquoi tout à l’heure) le Chef de l’UPAC d’« accuser ou de s’excuser ». La plupart des journalistes et des analystes, faisant fi des questions élémentaires de Droit criminel, ont plongé tête baissée dans ces enflures langagières, qui pourraient s’expliquer par une seule formule consacrée en psychologie organisationnelle: « l’esprit de corps ».


Remettons les pendules à l’heure!


Que Guy Ouellette se soit bâti une réputation d’homme honnête ne l’empêche pas d’avoir commis (je n’en sais rien, j’analyse!) un acte potentiellement criminel. Dans cette optique, l’Assemblée nationale a offert au concerné le mardi 31 octobre une rare occasion de s’expliquer et de dire pourquoi il a été arrêté. Pourtant, il n’a fait qu’affirmer « qu’il a été, qu’il est et qu’il sera toujours un homme intègre ».


Il prétend que les faits qui lui sont reprochés sont sans fondement. Justement, quels sont ces faits? Il n’en pipe mot. Nous sommes tous restés sur notre faim. Personnellement, il m’a déçu. Car, il n’a fourni aucune explication, ni aucun indice qui pourrait me faire croire qu’il a été arrêté sous de faux prétextes. Il paraît ébranlé! Ceci est peut-être indicateur de quelque chose… Nous le saurons dans les prochaines semaines…. Ne nous précipitons pas!


Or, le jour même de la décevante déclaration de Guy Ouellette à l’Assemblée Nationale, dans l’après-midi du mardi 31 octobre, l’UPAC a expliqué dans les limites imparties à des enquêteurs de Police dans un État de Droit, que Guy Ouellette a été arrêté pour un acte potentiellement criminel, que l’enquête est en cours, et que, lorsque les preuves auront été rassemblées, on les transmettra en bonne et due forme au bureau du DPCP( Directeur Des Poursuites Criminelles et Pénales), qui déposera éventuellement des accusations.


En la circonstance, l’UPAC (Et j’ai entendu et analysé la déclaration de Guy Ouellette et la conférence de presse de l’UPAC) me paraît plus solide et crédible que Guy Ouellette, que les journalistes, que les Parlementaires eux-mêmes, qui jouent la comédie en invoquant « l’immunité ou le privilège parlementaire », comme si cette notion protégeait un Parlementaire, même s’il était pris en flagrant délit d’actes (potentiellement) criminels !


Ô démagogie, quand tu nous tiens! Voyons donc! Je sais que c’est jour d’Halloween, mais lâchez-moi les déguisements de clown!


À cet égard, Jacques Chagnon, le Président de l’Assemblée nationale a péché par excès! J’en relève deux par souci de synthèse:

Premier excès


Dans un État de Droit, le Président du Pouvoir législatif ( Le Parlement) n’a pas le droit, au nom du sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs en démocratie, de lancer un ultimatum à la Police, qui relève du pouvoir judiciaire. Or, en l’espèce, même si le Chef de l’UPAC est nommé par le pouvoir exécutif (le gouvernement), une fois investi, il relève du pouvoir judiciaire. Ce sont 3 pouvoirs indépendants. Ils (l’exécutif, le législatif et le judiciaire) sont appelés à collaborer pour la cohésion de l’État, mais ne reçoivent l’ordre l’un de l’autre). Principe oh combien élémentaire, Monsieur le Président de l’Assemblée nationale!

Deuxième excès


Monsieur Jacques Chagnon s’est emporté en laissant tomber cette phrase: « Qu’on accuse ou qu’on s’excuse »! C’est une phrase qui passera à l’histoire, pas pour les raisons évoquées par les journalistes; mais parce que c’est une grosse connerie! Car, au Québec, dans le Droit criminel, la Police enquête, rassemble des preuves, puis les communique au Bureau du Directeur des Poursuites Criminelles et Pénales (DPCP), qui dépose, le cas échéant, des accusations. Je le répète, c’est une grosse connerie qu’un Président de l’Assemblée nationale au Québec invite la Police à « accuser ou à s’excuser! ». Quand même!


Or, tous ces excès s’expliquent par la notion de psychologie organisationnelle consacrée en la circonstance: « l’esprit de corps ». Esprit de corps? Il se résume en quelques mots: « Quand tu fais partie d’une entité, tu finis par penser, parler, agir comme les autres membres du groupe. En groupe, on cherche à se protéger contre un intrus perçu ou réel». Le fait est que, en herméneutique, « l’esprit de corps » est un biais, qui obscurcit notre jugement et nous fait faire ou dire des choses qui tombent sous le sens…. Jacques Chagnon cherche à protéger son groupe aux dépens du principe fondamental suivant: « nous sommes tous et toutes égaux devant la Loi ».


Et si on se calmait le pompon?


Guy Ouellette est peut-être un homme honnête; mais il se prend peut-être(!) aussi pour un justicier qui trouve que les enquêtes de l’UPAC ne vont pas assez vite à son goût. Or, tout honnête fût-il, quand on a le réflexe d’un justicier, on peut poser des actes, ou participer à des gestes qui sont potentiellement criminels. Je n’en dis pas plus, car je n’en sais pas plus. Pour l’heure, laissons les policiers poursuivre leurs enquêtes. Guy Ouellette demeure innocent jusqu’à preuve du contraire. C’est la présomption d’innocence. En attendant, calmons-nous le pompon. Arrêtons les manœuvres puériles qui consistent à dire que le pouvoir parlementaire est plus fort que le pouvoir policier…. C’est du simplisme! En l’espèce, la vérité est que le Parlement légifère, la police enquête et le DPCP dépose le cas échéant des accusations. On se reparle?

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